Des mousses au Groenland
Les mousses ont tenu la marée
Ils ont navigué trois semaines entre Brest et le Groenland, ont rencontré du force 12, croisé leurs premiers icebergs et expérimenté le steak de phoque. À 17ans, ArnoulBeauvais et ArthurBarbier, deux jeunes marins de l'École des Mousses de Brest, n'oublieront pas de sitôt leur rafraîchissant périple.
Partir sur un bateau scientifique à 17 ans et débarquer au Groenland! Ils ont dû en faire baver plus d'un. Et dire que la plupart de leurs formateurs, des vieux loups de mer qui font régner la discipline à l'École des Mousses, n'ont jamais navigué dans ces parages... Arnoul Beauvais et Arthur Barbier ont encore les yeux qui brillent. Ils se rendent parfaitement compte de la chance qu'ils ont eue de naviguer aussi nord et de séjourner une semaine au Groenland, en attendant leur avion manqué. Un avion raté à cause du mauvais temps qui a considérablement ralenti la progression de Vagabond, le voilier polaire parti de la pointe bretonne, le 13mai dernier, pour une nouvelle campagne scientifique au Groenland.
Dix jours de mauvais temps
Au départ de Brest, ils étaient six à bord. Le skipper Éric Brossier secondé par son frère, deux passagers (un couple de surfeurs en transit pour l'Islande) et nos deux valeureux mousses originaires de Brive-la-Gaillarde (Corrèze) et Toulon (Var). La remontée jusqu'aux Scilly, l'Irlande et l'Écosse se déroule sur une mer plutôt maniable. Mais les choses se corsent en quittant les terres écossaises. Vent debout, mer formée et rafales jusqu'à 55 noeuds (100km/h). Autant dire qu'il vaut mieux avoir l'estomac bien accroché à bord du voilier de 15m transformé en machine à laver pendant une dizaine de jours, dont quatre passés dans 8 à 10m de creux. Bouchon sans quille, malmené malgré ses 31 tonnes d'acier et de vivres, Vagabond n'épargne pas son petit monde.
Même pas malades
Mais pas de problème pour les deux mousses qui tiennent parfaitement la marée. Jamais malades. «C'était quand même impressionnant d'évoluer sur une mer aussi grosse. Jamais, au cours de notre formation pratique sur les voiliers école de la Marine, nous n'avions rencontré pareil mauvais temps». Après trois semaines de mer, ils finissent par atteindre les premières glaces et toucher Narsaq, sur la côte ouest du Groenland. «Pas le temps de s'ennuyer entre les quarts et les multiples tâches de la vie quotidienne à bord», confirment lesfuturs navigateurs-timoniers de la Marine.... Vagabond les dépose et repart aussitôt. Les deux mousses rejoignent par un fjord, à bord d'une coque rapide, Narsarsuaq pour attendre leur avion. Ils prennent leurs quartiers polaires dans une auberge de jeunesse, explorent l'endroit, crapahutent aux alentours. Ils quittent le Groenland à bord d'un vieux coucou d'une vingtaine de places pour l'Islande où ils «flippent» davantage que sur Vagabond, au plus fort de la tempête. Ce retour en quelques heures à Paris, contre trois éprouvantes semaines de traversée, leur fait prendre conscience du rythme et de la durée en mer, de la rudesse de cet espace-temps dont ils se sentent encore plus proches. Lorsqu'ils ont salué le capitaine de Vagabond, ils lui ont dit «À bientôt!», promettant de repasser un jour ou l'autre, par cet autre bout du monde.