Avril Mai 1974 une escale à Castigneau…j.P Arbouet
A la demande de Philippe Vaudrion je vous livre ce petit récit et j'ouvre un chapître anecdotes ou vous pourrez vous aussi nous raconter un ou des moments de votre marine qui vous ont plus particulièrement marqués....
Avril Mai 1974 une escale à Castigneau…
Tout d’abord avant de revenir sur les raisons de mon escale "forcée" à la prison de Castigneau revenons un peu en arrière…
Depuis ma sortie de l’Ecole des Mousses je me suis rendu compte au fur et à mesure de mes tours de gardes la nuit que je ne ferais pas carrière dans la Marine
Faire le planton durant 2 ou 4 heures au beau milieu de la nuit…je pense qu’il doit y avoir dans la vie mieux que cela à faire….Seulement avant de refaire des nuits complètes il me reste « 5 ans à tirer » je décide donc d’attendre patiemment que cela se passe et pour aborder les choses de la vie je donne libre cours à mon côté dilettante….
J’ai donc abandonné sur la ligne de départ tout idée de carrière et d’ambition….me voici en août 1971 à Nouméa pour deux ans… Dans mon job de Bosco on alterne le noble , conduire les embarcations effectuer des manœuvre et le moins noble piquer la rouille et passer de l’anti fooling ou autre….C’est dans ces secondes tâches que j’ai le don d’énerver mes supérieurs…et à force je découvre les tours de consignes….. ceci est une première étape que je franchis en quelques mois….de petites choses vénielles à d’autres on appelle cela de la récidive et on arrive aux journées de prisons simple c’est à dire que l’on effectue sa journée piquant ou pilotant et on dort dans une chambrée tranquille tout seul ou le sommeil n’est pas interrompu par le gars bourré rentrant d’une virée , par celui qui veut vous faire partager les avatars de sa dernière conquête et enfin un peu plus tard par celui qui mettra dix minutes afin d’expulser l’intrus volant de sa moustiquaire…. Justement moi je suis pratiquement le seul à dormir sans moustiquaire…mon sang dilettante n’ayant pas l’air de plaire à la faune locale….
Dormir en cellule n’aurait qu’un seul inconvénient celui de me faire manquer la seule chose qui m’intéresse : le tournoi des 5 Nations….Heureusement le planton est compréhensif et n’oublie pas de me réveiller vers 3 heures du mat afin que je traverse la Base Chaleix
Certains matches ou les ondes sont portées merveilleusement bien, j’entends le match à 50% …jusqu’au black out des dix dernières minutes….et je reviens frustrés sans pouvoir répondre à la question du planton…
Août 1973 me Re voici en France pour 4 mois de perm….Comme dit la Chanson
Tout à une fin et en décembre je dois rejoindre mon affectation Le Vendéen qui finit son carénage à Brest nous rejoindrons Toulon d’ici deux à trois mois….
Le temps passe… je n’ai pas beaucoup évolué question grandes sorties et grandes bringues…je vais tranquilos vers ma 20ème année… On me demande de passer chez le coiffeur pas de problème…trois jours plus tard le lundi vers 17 heures je me présente à la coupée pour l’inspection en civil…. « Vos cheveux sont trop longs » j’y suis allé samedi, j’ai besoin d’aller en ville pour faire des courses : je fais aller retour » « Pas question vos cheveux sont trop longs… ». Je bataille de longues minutes en expliquant que je dois acheter le midol pour lire les résultats des sixièmes de finales… le midol c’est sacré pour un Bayonnais et je n’ai pas d’autres ambitions…. A bouts d’arguments je passe la coupé et je suis sur le quai et je m’éloigne tandis que le gradé s’époumone inutilement… Enervé je m’attends à me faire intercepter à la sortie de la base maritime…mais non…j’achète mon journal…et décide de le lire en prenant l’apéro tranquillement pensant que c’est le dernier pour un moment…puis je rentre. Verdict 60 jours…consignes ou prisons simple de tout façon à bord c’est la même chose….
Fin de carénage….nous voici à la manœuvre direction Toulon… nous passons Gilbratar dans le brouillard…ce n’était pas la peine de nous réveiller pour une ombre rocheuse…
2 avril 1974 nous voici au large de toulon à faire des ronds dans l’eau afin d’être à l’heure au ponton….Un bruit court Pompidou notre président serait mort…merci mais trop tard le poison d’avril c’était hier !!! Non finalement le poisson à vraiment le ventre en l’air… 4 ans après De Gaulle… cela frise l’épidémie…
Sûrement que l’on a du se mettre au garde à vous et le drapeau en berne je ne m’en souviens plus…Toujours de consigne nous voici le week end de Pâques avec un effectif de misère, celui du quart de service et ma pomme en renfort… Lundi de Paques 15 Avril 8 heures du mat j’ai terminé mon service… « Arbouet vous irez balayer le ponton » « Non Chef car je ne suis pas de service » « Vous êtes consigné donc vous irez balayer ce foutu ponton » « Non chef je suis peut être consigné mais pas de service » Là le Shouff à bouts d’arguments appelle le second… Sur de lui et de son autorité il ordonne et moi sur ma bannette les deux mains derrière la tête je refuse d’optempérer pour les mêmes raisons…. Plus tard le Maître principal vient à la charge, sur de lui, échec….enfin au bout de la hiérarchie je reçois la visite de l’officier tout aussi sur de lui mais encore échec….devant mon entêtement…
Le mardi matin sans passer en discipline je pars directement à la prison de Castigneau pour je pense 2 mois….
Finalement pour « refuser formellement un ordre » je prends un mois ferme…
Durant un mois j’ai bouquinné peinard…J’ai échangé mes fruits et mes cigarettes…et vécu au rythme des rondes, des cliquetis des serrures, et des regards espions des matons dans l’œilleton….
Sans télé ni journaux j’ai évité la campagne électorale de Giscard et le « Monsieur Mitterand vous n’avez pas le monopole du cœur »…Enfin seul dommage collatéral j’ai quand même loupé le drop goal de Cabrol qui malgré la tentative de contre de Jo Maso donne le titre à Béziers alors que Narbonne était mes préférés… C’est le gardien qui tout émoustillé par cette fin dramatique m’a appris le dénouement de la finale 1974…
Une dizaine de jours avant mon 20 anniversaire je quittais la prison de Castigneau et je passais prendre une dernière fois mes bagages sur le Vendéen pour rejoindre, sous le regard envieux de certains collègues, la « Girelle » dans le port de Saint Raphaël….
Finalement en souhaitant acheter coûte que coûte un journal de rugby et en refusant 5 minutes de corvée je termine mes 5 ans de Marine à Saint Raphaël en m’intégrant parfaitement au club local…Le rugby était ma passion...pas la marine désolé....
De tout cela j’ai gardé pour philosophie que tous les évènements de la vie ont au final un côté positif….
Jean Pierre Arbouet